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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

tombeaux. Non épuré, cet esprit ne saurait être accueilli dans la région des vérités bienheureuses. Il y a trop d’ombres parmi ses clartés, trop de scories mélangées à son or. Mais les hommes peuvent en extraire l’or et en discerner les clartés. Alors ils reçoivent de hauts enseignements, ils écoutent de belles maximes. D’ailleurs personne, ici, ne nous demande de nous arrêter pour réfléchir. L’Arioste déroule une série de tableaux et d’aventures ouvrés et brodés sur un tissu de soie, d’or, de pierreries ; c’est presque un bibelot — un bibelot de prix — à côté du grand art austère et pur qui découvre à notre âme des retraites profondes où elle s’enveloppe de paix éternelle.

Melissa donne à Bradamante le moyen de dérober l’anneau de Brunel, l’ancien anneau d’Angélique, devant aider la belle amazone à délivrer son fiancé de la prison qui le retient. Cette prison, vous le devinez, est une invention d’Atlante.

Atlante ne peut être qu’un magicien, puisqu’il n’y a plus de chevaliers-fées, plus même d’hommes-fées, mais les occasions ne nous manquent pas de constater que magiciens, magiciennes et fées sont très proches parents les uns des autres, et voisinent dans le royaume de féerie. Son formidable château d’acier reluit au soleil et se dresse sur un pic inaccessible. Où Arioste a-t-il rêvé ce château d’acier ? Quelque donjon haut perché lui en fournit sans doute le modèle, et l’imagination artistisque, qui tend à prendre les objets réels pour la base de ses rêves, n’eut qu’à outrer fort légèrement la réalité pour ébaucher le castel d’Atlante. Nul sentier n’y mène. Le magicien y rentre, monté sur l’hippogriffe.

L’Arioste décrit magnifiquement l’apparition d’At-