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PROLOGUE

à ressaisir une leçon de sagesse ? Sous toutes les arabesques des fables, une leçon d’histoire ? Un auteur anglais, M. Arthur Steward Herbert, a traité récemment de ce problème : pour lui, les nains qui apparaissent dans les vieux contes représentent les derniers survivants d’une race européenne et préhistorique[1].

Il y aurait à chercher, par ailleurs, les origines druidiques de notre monde féerique.

D’après les vieilles traditions celtiques, Merlin a les allures d’un druide, et Morgane paraît bien avoir fait ses débuts dans le monde sous les traits d’une druidesse. Les druidesses, comme les futures fées, étaient investies d’un pouvoir surhumain par la croyance commune. Elles étaient neuf dans l’île de Sein, qui prétendaient avoir le don de lire dans l’avenir, de commander aux tempêtes, de se rendre invisibles et de se métamorphoser en oiseaux. L’empire avait été promis à Dioclétien, alors qu’il n’était que simple officier, par une de ces fées gauloises, et ce souvenir contribua sans doute à populariser dans le monde antique la notion de leur existence.

Les neuf fées que de très anciennes légendes nous disent avoir émigré aux îles Fortunées ou îles des Pommes seraient, dans l’imagination populaire, un souvenir des augustes habitantes de l’île de Sein. L’aînée de ces neuf sœurs fatidiques se serait appelée Morgan ; elle deviendra Morgue ou Morgane. Et sous les traits farouches des Korrigans, voleuses de nouveau-nés, persiste le souvenir de certaines prêtresses gauloises qui peut-être cherchèrent ainsi à dérober des enfants, soit pour grossir le nombre tou-

  1. Nineteenth Century, février 1908.