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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

dent aux paladins, les monstres suivent les enchanteurs, les guerriers se regardent et se défient. Ici, résonne l’orchestre d’un bal ; ailleurs, la mêlée d’une bataille. Un même rythme emporte cette foule chatoyante qui s’affranchira parfois de la raison, du bon sens, de la logique, de la morale, de toutes les disciplines, sauf de celle qu’impose la cadence harmonieuse des rimes. Que d’épisodes s’enchevêtrent sur une trame légère ! Épisodes brûlants, pittoresques, élégants ou risqués !

Chacun pourrait donner le sujet d’une comédie, d’une nouvelle ou d’un drame, et, si rapides qu’ils soient, ils permettent au poète de jeter, çà et là, des vers brillants ou langoureux, sans profondeur excessive, des vers exquis et parfumés comme les jardins d’Italie. Petits poèmes qui pourraient se suffire, encadrements parfois délicieux, et tels que la Renaissance se plaît à en dessiner autour d’une tapisserie, à en sculpter autour d’une porte ou d’une fontaine… C’est le lamentable abandon d’Olimpia trahie par son époux Bireno, et, après la mort du perfide, épousant le roi d’Irlande, amoureux de sa beauté. C’est l’ogre, petit-fils du Cyclope de l’Odyssée et ancêtre de l’ogre du Petit Poucet, qui, de même que son descendant, a une femme apitoyée sur ses victimes. C’est la tragique aventure de Ginévra, dont Shakespeare se souviendra dans Beaucoup de bruit pour rien.

L’Arioste semble un éternel pêcheur dans l’océan du passé ; il y plonge des filets qu’il en ramène lourds de trésors de toute provenance, mais voilà qu’il se fait précurseur et qu’il esquisse un « scénario » digne de l’incomparable poète anglais. Et c’est une scène toute faite pour les dramaturges pro-