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LES JARDINS FÉERIQUES DE LA RENAISSANCE ITALIENNE

prement parler, des fées. On dirait que le printemps italien répandit une sorte d’ivresse parmi tous ces poèmes épiques, car les chants de Membriano débutent souvent par un hymne au printemps, et de tels hymnes ou de telles descriptions souriaient déjà chez Bojardo, et fleuriront dans l’Amadis de Bernardo Tasso. Mais le jour où les héros de Bojardo prolongèrent leur vie de rêve sous le front de Ludovic Arioste, ils rencontrèrent sous ce front l’influence du génie ; ils trouvèrent un enchanteur qui les domina, les transforma, les disciplina. Avec un nouveau souffle et un rythme nouveau, ils recommencèrent une vie nouvelle. Arioste précise la féerie de Bojardo, il la sculpte en vers parfaits et délicieux : les fées, peintes à fresque chez Bojardo, nous apparaissent modelées en relief chez son glorieux successeur.

De riches notes humaines, demeurées muettes à travers la délicieuse fanfare de l’Orlando amoroso, s’éveillent dans le concert de l’Orlando furioso.

Et la langue italienne va resplendir chez l’Arioste d’un prestige et d’une beauté, que ses prédécesseurs directs ne soupçonnèrent point.


V

LE ROLAND FURIEUX


Ferrare fut pour l’Arioste une ville d’élection.

Il vécut à la cour et près des grands, correspondant avec les princes, les cardinaux, les humanistes, les princesses érudites. Nul ne fut plus épris que lui