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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

taine qui inspire l’amour, aimera passionnément Renaud. Angélique connaît la science des enchantements, mais elle n’est pas à proprement parler une fée. Et ce monde bizarre serait déjà suffisamment compliqué sans l’intervention des fées qui multiplient à plaisir les enchevêtrements et les surprises. Cependant, comme Morgane a son île Fortunée, comme Armide, plus tard, aura la sienne, Angélique possède son « Palazzo Zoïoso », lieu de beautés et de délices. Le jardin, tout odorant de fleurs, est baigné par les molles vagues d’une mer étincelante, et, dans la loggia ouverte sur l’espace marin, trois dames dansent, comme trois nymphes de Botticelli, sur la musique d’une de leurs compagnes. Tout cela est délicieux comme ces fêtes de la Renaissance que décrit un Politien. Renaud visite le beau palais, le ravissant jardin ; il assiste au bal de rêve, mais lorsqu’une des belles se penche à son oreille et lui confie qu’il est chez Angélique, il s’enfuit à ce nom détesté.

Tout le Roland amoureux de Bojardo nous apparaît comme une grande féerie pleine de fées décevantes. D’où viennent-elles ? À quelle fin s’occupent-elles sans cesse des guerriers ? Une des premières rencontres féeriques est celle de Roland et de la fée Dragontine. Roland est muni d’un livre-talisman. Ce livre lui fut donné par un personnage auquel il avait rendu son fils, en passe d’être emporté par un géant. Il y cherche des indications pour retrouver Angélique : quand il arrive à un pont, une belle jeune fille, qui n’est autre que la fée Dragontine, lui tend une coupe. À peine en a-t-il absorbé le contenu qu’il ne sait plus où il est ; il ne se rappelle même plus l’existence d’Angélique ; il n’a plus qu’une tendance, une