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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

que irréelles, pareilles à des souveraines de féerie : Isabelle d’Este, dont la jeune beauté devait s’épanouir à Mantoue, Isabelle d’Este, la bonne fée de la Renaissance ; Béatrice d’Este, dont la grâce enfantine dissimulait à peine une fiévreuse ambition par laquelle elle fut peut-être la mauvaise fée de son mari, ce Ludovic le More qui nous inquiète et nous apitoie ; l’énigmatique Lucrèce Borgia, dont les cheveux conservés à l’Ambrosienne de Milan étaient si soyeux et si blonds qu’une fée seule, semble-t-il, pourrait en avoir de pareils ; qui, riant et pleurant, avait passé par d’effroyables tragédies, et qui, nouvellement arrivée à Ferrare où elle devait pieusement mourir, ne songeait, comme une ingénue échappée de sa pension, qu’à éclipser par ses toilettes celles des autres princesses… Plus tard, le Tasse vécut, dans cette même Ferrare, auprès de Lucrèce et d’Éléonore d’Este ; amoureux de l’une ou de l’autre, des deux peut-être, il s’inspira, dit-on, de Lucrèce pour peindre Armide.

Cette noble et muette Ferrare, que la vulgaire vie contemporaine n’anime que vers le soir, est, en réalité, la patrie des fées littéraires de la Renaissance italienne, souveraines séduisantes et perfides des jardins enchantés.

Telle était sur les imaginations la hantise de la féerie, que les contemporains bercés de cette littérature attribuaient à l’influence d’un anneau enchanté la séduction que Diane de Poitiers exerçait sur le roi. Anneaux enchantés ou sourires enchantés, n’y avait-il pas un prestige dans la beauté de la jeune Marie Stuart, dont le sourire faisait si aisément et si doucement éclore des rimes françaises ? Il y en eut dans l’escadron volant de Catherine de