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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

La verdure encadre cette douce fontaine d’argent. Le décor est printanier :

« Et si avoit entour mainte belle flourcelle
Dont on voit le sorjon qui gentement flaielle
Trop mieux plaist à voir c’ouïr son de vielle… »

Il est vrai que certains sites semblent émouvoir les mêmes cordes de notre cœur qui vibrent aux accents de la musique. Ainsi cette fontaine dans son décor fleuri est-elle à voir plus douce que d’ouïr un son de vielle. Et, si je ne me trompe, tout cela est de la très fraîche et très suave poésie. Les dames fées accourent au bord de la fontaine fée. Elles sont vêtues de soie blanche et couronnées d’or. Elles sont belles. De plus, elles ont — c’est le vieux poète qui parle — la grâce des amoureuses. Toutes les trois viennent en se tenant par la main. Elles chantent comme une autre apparition du moyen âge, beaucoup plus belle et plus pure, la radieuse Mathilde, du poème dantesque. Ces trois dames s’approchent de l’enfant et commencent à deviser de sa destinée. Le symbole est assez gracieux, et digne d’émouvoir un cœur maternel. Toutes les hérédités, toutes les possibilités, toutes les influences sociales, toutes les circonstances morales et matérielles, se jouent autour d’un nouveau-né endormi dans son berceau, pour contribuer à la trame de sa vie. Elles ont leur personnification poétique dans les fées qui se penchent au bord de la fontaine : la première d’entre elles, qui est, sans doute, la sombre et mystérieuse Morgane, ordonne à ses compagnes de parler d’abord. Les dons favorables pleuvent sur l’enfant de la montagne. Il sera brave, victorieux, honoré… Mais la belle capricieuse qui s’est tue jusqu’à présent décide que,