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LES DERNIÈRES FÉES DU MOYEN AGE

tout le prestige de cet ancien vers lui vient peut-être de la vie, plus que de l’inspiration ou de la littérature. Le temps met parfois, à la longue, une patine de beauté sur des édifices qui en furent dénués dans leur jeunesse. Tel qu’il est aujourd’hui, il embaume notre mémoire comme les vers des grands poètes, et nous ne nous lassons pas d’évoquer ces mots :

Il a des lieux faës ès marches de Champaigne…

Avec le précieux enfant qui leur est confié, les vassaux de Butor se mettent en mouvement, et les routes ne sont pas sûres. Le varlet qui précède les voyageurs rencontre des meurtriers, dont l’un est cousin de Butor et doit à celui-ci la vie, de sorte que le varlet sera épargné. Ces brigands de haut lignage, comme les outlaws de Shakespeare, semblent obéir à une sorte de code d’honneur qui leur est particulier. Puis nos chevaliers aperçoivent une belle jeune femme qui pleure l’assassinat de son mari, et l’un d’eux s’offre à la venger. On devine, au loin, les transes de la pauvre jeune mère dont le nouveau-né est transporté par de si périlleux chemins. Il parvient cependant, avec ses protecteurs, « par une sentelette où poignait l’herbe drue », jusqu’au bois féerique de Bersillant, qui n’est qu’une variante de la fameuse et légendaire forêt de Brocéliande.

C’est une jolie forêt a grande et feuillue », explique le vieux poète. Une rivière la rafraîchit. Les chevaliers y découvrent assez vite la délicieuse fontaine des fées, dont la description est charmante, et non moins charmantes les scènes des fées sur ses bords. Elle est « clère d’argent ou fons de la gravelle ».

« Oncques si clers ne fut vis argent qui sautelle,
Car la fontaine estoit luisant comme estincelle… »