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MÉLUSINE : UNE FÉE DE FRANCE

Antoine épousa Christiane, duchesse du Luxembourg, et Regnault épousa Églantine, fille du roi de Behaigne. La fortune souriait donc aux Lusignan.

Mais le bonheur de Mélusine touchait à sa fin. La pauvre fée, si belle et si sage qu’elle fût, ne devait pas triompher de l’inconstance humaine dans le cœur de son mari. Sous l’influence des mauvais conseils de son frère, celui-ci l’épia un samedi et l’aperçut transformée en demi-serpent. Il comprit alors sa faute. Mélusine se montra également douce et tendre vis-à-vis de lui, et se garda de toute allusion au parjure dont il s’était rendu coupable. Ils entendirent la messe ensemble, et la châtelaine s’en fut à Niort où elle faisait construire une forteresse. Mais après que leur fils Geoffroy l’Horrible eut incendié le monastère qui abritait son propre père, Raimondin, se souvenant de sa découverte, eut un moment de colère contre Mélusine. Il l’appela : « Très fausse serpente ». Alors elle s’évanouit. Quand elle revint à soi, Mélusine s’écria : « La, mon amy, si tu ne m’eusses faussé serments, j’étais exempte de peine et tourment, et eusse eu tous mes sacrements, et eusse vécu tout le cours naturel comme femme naturelle et femme morte naturellement, et eusse eu tous mes sacrements, et mon corps eût été enseveli en Notre Dame de Lusignan et eusse fait mon anniversaire bien et doucement. Or suis-je par ton fait rebattue en la pénitence obscure où j’avais longtemps été par mon adventure ; et ainsi me le fauldra porter et souffrir jusque au jour du jugement par ta fausseté. Je prie Dieu qu’il te le veuille pardonner. » Raimondin s’agenouilla devant sa dame, implorant son pardon. Elle se mit à pleurer et l’appela : « Mon doux ami », lui promettant son pardon