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LA VIE ET LA MORT DES FÉES

d’hiver, il se plaisait à lire. Le comte de Salisbury, que notre romancier appelle de Salebri, en possédait une aussi, et Jehan d’Arras fut à même de l’explorer ; il y puisa beaucoup pour son roman de Mélusine. Il fouilla également celle du duc de Berry, et peut-être celle de la reine Yolande, femme de Jehan d’Aragon et fille du duc de Bar.

Mélusine était à la mode ; elle inspira, non seulement le roman de Jehan d’Arras, mais encore le poème d’un auteur contemporain, Couldrette. Mais nul mieux que Jehan d’Arras ne se plut à approfondir son sujet, et son œuvre nous donne, avec les fantaisies de son imagination, avec des tableaux directement observés, les résultats d’une curieuse érudition sur les légendes et sur les fées, acquise, sans doute, dans la lecture d’ouvrages que nous avons oubliés.


II


Le vieux conteur nous explique à merveille ce que le quatorzième siècle imagina des fées. Il commence par nous transporter au « pays de Poetou ». « Nous avons oy racompter à nos anciens que en plusieurs parties sont apparus à plusieurs très familièrement plusieurs manières de choses lesquelles les ungz appelaient luytons et les autres faées et les autres bonnes dames, et vont de nuyt et entrent ès maisons sans huys rompre et ouvrir, et ostent et emportent aucune fois les enfants des berceaux et aucune fois ils leur destournent leur mémoire, et aucune fois ils les brûlent au feu. Et quand ilz s’em-