Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/139

Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
MÉLUSINE : UNE FÉE DE FRANCE

femme de Duguesclin, passait ainsi pour une fée à cause de sa sagesse, de ses dons supérieurs, et de la faculté qu’on lui prêtait de lire l’avenir dans les astres. La France a connu de pareils types ; le cadre et les circonstances se sont modifiés, mais ils demeurent assez conformes au génie des Françaises. Mélusine est une fée du Poitou, c’est-à-dire du centre même de notre pays. Elle en a les vertus d’équilibre et de solidité. Oui, malgré son nom brumeux et maritime, malgré l’origine exotique et les parentés lointaines que sa légende se plaît à lui attribuer, elle est des nôtres, et les traits de sa vie se dessinent avec la claire précision qui sied à nos paysages modérés.

Une seule fois, le romancier Jehan d’Arras, dont elle fut l’héroïne nous la montre se faisant la justicière cruelle d’un de ses fils. Cet épisode nous frappe ainsi qu’une discordance. Elle n’enlèvera pas comme Viviane un enfant à sa mère ; elle n’inventera pas comme Morgane le val des Faux-Amants, dit le val Sans-Retour ; Morgane qui, sous couleur de justice, venge sur autrui la douleur de ses passions déçues, n’a rien de commun avec cette femme au jugement éclairé, qui ne songe qu’à se faire la conseillère de son mari et l’éducatrice de ses fils.

Mélusine ne ressemble pas plus à Titania qu’à Viviane et à Morgane : Titania dansait sur les fleurs sans les faner, sans les courber, et sans laisser plus de trace de sa danse qu’un rayon de lune n’en laisse de son passage. Où Mélusine a, dit-on, vécu, il reste des ruines, des pierres, car, au lieu de danser avec les sylphes, elle songeait à élever des églises, à fortifier des châteaux, à jeter des ponts sur les fleuves. Titania n’avait pas besoin d’une grande activité cé-