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LE MYTHE DES SAISONS

philosophique du roi Lear de Shakespeare, la Zélandine des vieilles chroniques bretonnes n’a la grâce affinée de notre Belle au Bois dormant. Zélandine est une princesse endormie, et son histoire est un conte de fées, bien que les fées y portent des noms de déesses et soient considérées comme telles. Elle est fille du roi Zeland qui règne en Zélande, mais elle est venue dans la Grande-Bretagne assister aux fêtes qu’y donne le roi d’Angleterre, Perceforest, ami et compagnon d’Alexandre. Ce roi Perceforest, avec ses chevaliers, accomplit d’innombrables expéditions dans une forêt enchantée ; il a tué l’enchanteur Darnant, mais Darnant a laissé derrière lui toute une lignée contre laquelle la guerre continue : de là une multitude de péripéties dont il serait téméraire de vouloir donner une idée. Zélandine est très belle. Un jeune et vaillant chevalier s’éprend pour elle d’un vif amour. Elle retourne en son pays, où elle est accueillie par des réjouissances. S’amusant avec ses jeunes cousines, elle veut filer, se pique le doigt avec une arête de lin, et tombe endormie. Zélandine, endormie, est déposée par ses parents sur un lit magnifique aux courtines blanches comme neige, dans une chambre située au dernier étage d’une tour bien close. Nul n’y doit pénétrer. Il n’y a pas d’autre issue qu’une fenêtre qui s’ouvre du côté de l’Orient.

Cette pauvre Zélandine est victime du destin. Au moment de sa naissance, sa mère avait préparé une table magnifiquement servie pour trois déesses dont la coutume était, paraît-il, de venir festoyer chez les accouchées. Elles s’appelaient Lucine, Vénus, Sarra ou Thémis : la troisième était déesse des destinées. Leurs noms de déesses les déguisent très mal ; elles