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LE MYTHE DES SAISONS

les serments de fraternité avec deux princes, frères de sa nouvelle épouse. Grimhilde conseille à l’un de ces deux frères, Gunnar, de conquérir la main de Brynhilde, et de se faire aider par Sigurd. D’après les instructions de la magicienne experte en métamorphoses, Sigurd prend les traits de Gunnar, et Gunnar prend les traits de Sigurd. Sous les traits de Gunnar, Sigurd franchit la barrière de flammes. « Tu m’es destinée pour femme, dit-il à Brynhilde, puisque j’ai traversé le feu. » Elle en convient tristement : tel est le décret fatal. Ensuite sont célébrées les noces de Brynhilde avec le véritable Gunnar qui se substitue à son beau-frère, chacun ayant recouvré sa figure. Un fils de Grimhilde, qui n’avait point pris part à l’échange des serments de fraternité, tue Sigurd, et Brynhilde, féroce, se met à rire quand elle entend Gudrun crier de douleur.

Gudrun, muette et raidie, est incapable de pleurer. Chacune des princesses parées d’or vient s’asseoir près d’elle, et lui raconte la plus amère douleur de sa vie. Mais Gudrun demeure immobile et rigide. La scène est d’une réelle beauté, comme si l’évocation des reines douloureuses chantées par Shakespeare dans Richard III y était déjà prévue. Alors une de ces princesses, plus jeune sans doute, et plus près de l’amour, au lieu de dévoiler son cœur, dévoile le visage de Sigurd ; elle met la tête du héros sur les genoux de sa femme, et murmure tendrement à l’oreille de celle-ci : « Contemple celui que tu aimes, mets ta bouche contre ses lèvres, comme si tu embrassais le prince vivant. Alors elle pleura, la fille de Gjuki, tellement que ses larmes couvrirent le sol.

Brynhilde, séparée de Sigurd pendant sa vie,