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LE DOLOPATHOS ET LA FÉERIE DES CYGNES BLANCS

tures. Ces préceptes, il faut en convenir, intéressent le pauvre Lucinien. Ils nous intéresseraient moins que lui si, parmi les récits destinés à les illustrer, nous n’apercevions quelques éclairs de féerie.

L’histoire du quatrième sage se ressent de cette influence, et elle se pare à nos yeux d’un autre mérite : il faut y voir l’origine du Marchand de Venise, la première et informe esquisse des types de Portia et de Shylock, fixés par Shakespeare en pleine lumière de poésie.

Une damoiselle, fille d’un châtelain, se rendit à l’école et devint très savante, si savante qu’elle connut jusqu’à l’art d’enchantement ; elle le connut, dit le vieux livre, « sans maître et sans enseignement ». Cette savante damoiselle évoque dans notre mémoire le souvenir des habiles enchanteresses que furent Viviane et Morgane ; elle nous apparaît donc comme une sorte de fée.

Viviane s’était servie de sa science pour asservir et emprisonner l’enchanteur Merlin ; la damoiselle du conte exerce son art contre ses prétendants. Elle les attire, leur extorque de l’argent, et les invite à passer une nuit auprès d’elle, s’engageant à épouser le lendemain celui qui ne se serait pas endormi. Mais elle a soin de dissimuler sous l’oreiller une plume enchantée qui les fait tomber dans le plus profond sommeil. L’un d’eux, plus épris ou plus malin, revient, aperçoit la plume enchantée et la fait choir à propos, à l’insu de la damoiselle, puis il épouse la belle enchanteresse.

Malheureusement, le pauvre garçon avait emprunté une somme à certain « escharcier » qui exigeait d’être remboursé par une livre de la chair de son débiteur, tout comme Shylock. L’habile femme,