Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/107

Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
LES FÉES DANS LES POÈMES DE MARIE DE FRANCE

Tydorel, proclamé roi, fait venir chaque nuit quelqu’un de ses sujets, pour lui dire des chansons ou des histoires, jusqu’au jour où un jeune garçon du peuple, au péril de sa vie, avoue son ignorance de toute chanson et de toute histoire, mais lui sert le fameux dicton… Ému et pensif, Tydorel laisse aller l’enfant, mais arrache à la reine, sa mère, l’aveu de sa naissance, et, rêveur, monte sur son cheval, abandonne son royaume, et s’en va droit devant lui…


III


Les fées de Marie de France ne semblent pas faire usage de la baguette féerique ; elles portent plutôt, nous l’avons vu, l’épervier au poing, à la mode des châtelaines d’alors, et elles sont des châtelaines, comme les fées de Perrault seront des duchesses à tabouret. Tandis que les romans de la Table-Ronde nous apprenaient l’origine de Morgane et de Viviane, Marie de France ne nous dit pas d’où viennent ces belles et mystérieuses inconnues. Sont-elles des femmes plus hardies, plus passionnées, plus ambitieuses ou plus savantes que la plupart des autres ? Appartiennent-elles à une autre race ? Elles semblent se soucier fort peu d’être marraines et ne s’occupent que d’être amantes. Dans le lai de Gugemer, elles demeurent invisibles, et ce lai, pourtant, est un véritable conte de fées tout imprégné de leur pouvoir.

Gugemer est un jeune, vaillant et beau chevalier de notre Bretagne, armé par le roi Arthur, et Marie de France ne lui reconnaît qu’un défaut : c’est qu’il