Page:Félix-Faure-Goyau - La vie et la mort des fées, 1910.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
90
LA VIE ET LA MORT DES FÉES

La bonne Marie de France voudrait nous représenter une vision analogue à celle que Plutarque nous décrit de Cléopâtre, mais ses petits vers pressés ne lui laissent pas le loisir de s’attarder beaucoup. La belle inconnue s’enveloppe d’un manteau de pourpre doublé d’hermine : elle dépassait en beauté fleur de lis et rose nouvelle, quand elles paraissent en été. Cette dame est une fée, elle est venue de sa terre de Lins parce qu’elle aime Lanval, et pour lui déclarer son amour ; dès qu’il souhaitera sa présence, il la verra et l’entendra ; pour les autres, elle demeurera invisible, et ils ne surprendront aucunement le son de sa voix. Seulement, de son côté, Lanval doit s’engager à la plus entière discrétion, et ne jamais risquer la moindre allusion à son amie. Le chevalier retourne dans sa maison où les richesses abondent. Il fait des heureux, et accorde grandes largesses à des ménétriers, c’est-à-dire des jongleurs. Tout se passerait à merveille, si la reine Genièvre ne se mettait en tête de le rendre amoureux de sa personne. Lanval a l’imprudence de lui dire : « J’aime la plus belle femme du monde, et suis aimé d’elle. » Furieuse, la reine accuse le chevalier de l’avoir insultée. Il va être jugé et condamné, mais, ce qui l’afflige davantage, il a perdu la société de sa belle et mystérieuse amie. Le jour du jugement, lorsque le peuple se presse pour assister au spectacle, deux belles damoiselles, montées sur des chevaux blancs et vêtues de soie vermeille, fendent la foule qui s’écarte sur leur passage avec un murmure d’admiration. Elles sont suivies de deux autres plus resplendissantes et plus richement parées que les précédentes. Derrière elles, leur maîtresse paraît. La poétesse s’extasie sur sa parure et ses charmes qui effacent ceux de toutes les autres beautés. Elle