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VOYAGE À VÉNUS

Je fis part de ma surprise à Mélino qui me répondit :

— Vous ne trouverez, en effet, aucune distinction honorifique sur le costume des Vénusiens. Mais il n’y a pas longtemps que vous eussiez fait une remarque tout opposée et que vous l’eussiez aperçue chez presque tout le monde. À certaines époques de l’année, à son commencement et vers son milieu, c’était comme une épidémie, une sorte de rougeole des habits noirs. Aujourd’hui l’institution est supprimée, et j’applaudis, pour mon compte, à sa disparition. À quoi bon poinçonner le mérite des gens ? L’opinion a-t-elle besoin du cachet officiel pour se prononcer ? Est-ce que les grands artistes et les grands poëtes dont vous m’avez parlé : Phidias, Michel-Ange, Raphaël, Corneille, Molière, n’ont pas toujours été universellement admirés, sans garantie du gouvernement ? D’un autre côté, on avait, comme je vous l’ai dit, prodigué cet insigne à tel point qu’il était, à la fin, devenu beaucoup moins une distinction pour ceux qui l’obtenaient qu’une humiliation pour ceux qui ne l’avaient pas. Aussi, excédé de sollicitations vaniteuses, le gouvernement a-t-il laissé l’impartiale opinion publique récompenser chacun suivant son mérite et ses actes.