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VOYAGE À VÉNUS

vient manifester l’activité et la vie : c’est un vol lourd d’oiseau nocturne, un frissonnement de feuillage, le frais gazouillis d’un ruisseau, la voix lointaine d’un fleuve ; que sais-je encore ?… Mais là, pas un frémissement, pas le plus faible écho du plus léger murmure… un silence morne, absolu, immense comme ces solitudes, et dont l’implacable persistance glaçait mon âme d’une lugubre terreur. Ô bruits de la terre, bruits chers et accoutumés, qu’étiez-vous devenus ? Grondements tumultueux des grandes populations et des grandes ondes, joyeux chants d’oiseaux dans les campagnes, longues plaintes des vents dans les gorges escarpées ou les forêts profondes, douces et sauvages harmonies de la création, auxquelles notre oreille ne prête qu’une attention distraite tant elle y est habituée, combien je souffrais de ne plus vous entendre, et comme, à ce vaste silence, à cette obscurité profonde, à ce froid corrosif, je sentais bien que j’errais dans le domaine de la Mort ! Le sentiment d’une telle solitude au milieu du néant m’accablait d’une prostration profonde, comme pour me punir de l’audace sacrilège qui m’avait fait franchir les limites assignées par Dieu à tout être vivant. Ce fut au point que, saisi de nostalgie, je voulus, pendant quelques instants, renoncer à mon voyage d’outre-