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VOYAGE À VÉNUS

la possibilité qu’ils ont eue de venir à la soirée et de leur peu de goût d’y rester.


Un moment après cet entretien, j’entendis que, dans un groupe de jeunes vénusiennes, frais et gracieux comme un massif de fleurs, on en était venu à parler musique.

J’eus de vives inquiétudes. Il y avait, au fond de l’appartement, un piano qui montrait les dents… j’appréhendais qu’une blanche file de demoiselles ne vînt y jouer des exercices. Ce supplice des invités sévit si souvent dans nos salons, et dure si longtemps ! Il est bien vrai que nos virtuoses nubiles se font beaucoup prier et qu’elles ont beaucoup de peine à prendre le parti de commencer ; mais qu’elles en ont bien davantage à se décider à finir ! De son côté, la maman complice prend soin de leur indiquer, avec une impitoyable lucidité de mémoire, l’entier répertoire des morceaux étudiés à la maison ; et l’on en est réduit à subir le défilé de tous leurs caprices et de toutes leurs fantaisies. Morceaux bien nommés, en vérité ! car à la fantaisie qu’y a déployée le compositeur, elles ajoutent la fantaisie de l’exécution : ralentissant la mesure aux passages ardus pour la précipiter aux endroits faciles, escamotant des notes, brouillant des accords, et tombant d’autant