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VOYAGE À VÉNUS

obligée pour se distinguer des filles du peuple de chanter avec la voix qu’elle veut avoir et qu’hélas ! elle n’a pas. Elle dirait avec beaucoup d’agrément de simples mélodies, mais elle les dédaigne, cherche les difficultés, les grands airs d’opéra, les vocalises tourmentées, les notes élevées, bref, au lieu de chanter juste dans les limites de ses moyens, elle s’évertue à crier faux, à se déchirer le gosier et à déchirer les oreilles. Toutefois, pour être juste, j’ajouterai que c’est un peu la faute de nos compositeurs, car eux aussi délaissent la mélodie simple et claire pour rechercher avant tout la musique à grand effet, la musique savante…

— Qu’est-ce donc, bon Dieu, que cette musique savante ?

— C’est celle qui substitue à la mélodie les combinaisons harmoniques, les canons, les sujets, contresujets, fugues, tritons, contrepoints

— Voilà bien des noms barbares ! interrompit Célia en riant. Mais à quoi bon toute cette scolastique ? je croyais que dans un morceau musical, l’inspiration était tout, et que la mélodie était à l’harmonie ce que la pensée est au langage ou l’idée poétique à la rime et à la césure. Votre musique sans mélodie me fait absolument l’effet d’une poésie à rimes riches et à idées pauvres — comme on en fait du reste