ce que vous m’avez conté, chacun, sous l’ancienne monarchie, n’admirait et n’enviait que le sort de ces gens de haute domesticité, qu’on appellait les gens de cour. La république venue, tout le monde voulut être tribun et citoyen romain, les Brutus et les Curtius fourmillaient dans tous les carrefours, les grands mots et les grandes phrases résonnaient dans toutes les bouches, et la moitié de la France envoyait l’autre en prison ou à l’échafaud au nom de la liberté et de la fraternité. Plus tard, ce fut la suprématie du sabre : rien n’était si beau, si sémillant, si ravissant, si adorable, que messieurs les militaires. Comme ils étalaient fièrement leurs panaches, leurs soutaches, leurs sabretaches et leurs moustaches ! comme ils regardaient, avec un dédain profond, le simple bourgeois, le pauvre pékin, qui n’avait aucun ornement en ache à montrer ! Qui donc aurait pu leur résister ? Aussi s’emparaient-ils de tout : après la conquête des nations, c’était la conquête des belles, les myrtes de Vénus après les lauriers de Mars, et s’ils n’ajoutaient pas à cette glorieuse moisson les palmes de Clio ou de Melpomène, c’est qu’elles étaient trop vertes, et bonnes pour des académiciens. Après l’empire, la littérature qu’il avait endormie, — lui infligeant ainsi la loi du talion, — se réveilla enfin,
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VOYAGE À VÉNUS