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VOYAGE À VÉNUS

à Mélino mon étonnement de ne voir personne en costume professionnel,

— Comment ! me dit-il, chez vous, les gens de justice ont un costume ?

— Très-complet et très-lugubre, je vous assure. Dès qu’ils entrent au palais, ils se glissent dans un long fourreau d’étoffe noire ne laissant voir que leur tête couronnée d’une toque, qui s’épanouit comme une fleur noire sur un calice jaune. Une vaste salle, appelée la salle des Pas-Perdus, mais où il se perd encore plus de paroles que de pas, est réservée à leurs promenades et à leurs causeries. C’est l’immense ruche où s’agite et bourdonne ce noir essaim. Plusieurs se montrent affaissés sous le poids de nombreux dossiers, mais, le plus souvent, ils sont moins chargés d’affaires que de papier, la plupart des dossiers qui gonflent leurs serviettes appartenant à des procès jugés depuis longtemps. Entre tous, les avocats se distinguent par la turbulence de leurs allures et l’activité fébrile de leur démarche : ils vont, viennent, courent, s’agitent et surtout pérorent. On dirait qu’ils sont piqués de la tarentule oratoire, ou que la vilaine robe qui les couvre a le magique pouvoir de leur communiquer l’ivresse du bavardage. Ceux qui sont privés de plaider devant un tribunal, et particulièrement les plus jeunes,