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VOYAGE À VÉNUS

comme tous les despotismes. Cydonis n’était, en effet, ni rasé jusqu’au sommet des oreilles comme un magistrat, ni barbu jusqu’aux yeux comme certains artistes. De fines moustaches noires se dessinaient sur sa lèvre intelligente, et un léger duvet ombrageait son menton. Il avait une distinction réelle, et je ne remarquai pas chez lui cette pointe de fatuité et de prétention, si commune chez nos jeunes gens et nos jeunes femmes à la mode, bien que son principal effet soit de tout enlaidir, même la jeunesse et la beauté.

Mélino reçut Cydonis avec une vive joie, à laquelle, vous le devinez aisément, je ne pris qu’une part assez modérée. C’était un rival ; et, à ce titre, il devait d’autant plus me déplaire que je lui reconnaissais plus d’aimables qualités. Néanmoins, il me parut que Célia n’éprouvait point cette félicité intime qui, en pareille circonstance, remplit une âme vraiment éprise, et dont le joyeux reflet illumine tous les traits du visage. Sans doute l’accueil qu’elle lui fit ne manqua ni d’empressement ni d’affection, mais l’œil d’un rival est la clairvoyance même, et le regard le plus furtif, le geste le plus indifférent en apparence, suffisent pour lui révéler le secret d’un cœur. Ainsi, crus-je deviner que Célia ne ressentait pour son fiancé que ce sentiment d’amitié, qui