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VOYAGE À VÉNUS

pices aux causeries intimes, que le luxe et le bruit de ces grands cafés à la mode, où fourmille tout un monde de consommateurs inconnus, qu’on a encore le désagrément de voir indéfiniment reproduits par le jeu des glaces ; pendant qu’habillé de noir, cravaté de blanc, et parfaitement reconnaissable au flottant insigne de la serviette suspendue au bras, le patron promène autour de lui un regard olympien, et circule avec la fière prestance d’un duc et pair donnant à boire à ses tenanciers. Comment causer d’ailleurs au milieu du cliquetis des dominos, des discussions des joueurs et des frôlements que ne vous épargne pas un essaim frisé de garçons, courant d’une table à l’autre, affairés et effarés, s’interpellant, se répondant de leur plus grosse voix, et faisant à eux seuls beaucoup plus de vacarme que tous les consommateurs ensemble !

L’établissement du gros bonhomme Schaffner était loin de ressembler à ces réunions agitées : une salle nue, enfumée par le tabac, quelques tables attendant des consommateurs, un journal attendant un lecteur, c’était tout. J’oubliais une vaste tonne de bière, qui décorait le mur du fond, et sur laquelle se tenait souvent accroupi un énorme chat noir, comme le sombre génie du lieu. Un vieux dressoir chargé de pots de bière le couvrait d’une