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VOYAGE À VÉNUS

Nullement préoccupées de leur personnage et des situations de la pièce, elles semblent toujours chercher quelqu’un dans la salle. D’ordinaire, leur rôle est purement plastique, et si par hasard elles ont à dire quelques mots, elles les disent si mal qu’on peut croire que l’auteur ne les leur a confiés que pour mieux faire apprécier ensuite le charme de leur silence. Je suis pourtant loin de croire que ce soit mauvaise volonté de leur part, mais — la plus jolie fille du monde ne peut montrer que ce qu’elle a, — et j’ai la conviction que si elles avaient du talent, elles ne manqueraient point de le montrer complètement, comme le reste.

« Le théâtre ainsi compris devenant tout à fait une industrie, on y emploie d’habitude les procédés de l’industrie proprement dite, et la langue du négoce. On vend une œuvre au prix courant, avec ou sans prime ; on se charge d’une commande de tant d’actes livrables à telle époque, pour telle circonstance, pour la rentrée d’un célèbre artiste, par exemple. Dans ces conditions, l’auteur s’engage à tailler le rôle principal exactement à la mesure du comédien, et si, pour ce travail, il manque de temps ou d’habileté, on met la pièce en plusieurs mains : celui-ci trace le dessin général et découpe les scènes, celui-là couvre le canevas des broderies de son style,