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VOYAGE À VÉNUS

en prodiguant les saphirs, les diamants, les rayons d’or, les rayons d’argent, et surtout les étoiles ; il y a cent ans, c’était le soleil qui était en honneur ; cinquante ans plus tard, la lune se leva sur l’horizon poétique ; en ce moment, la mode est aux étoiles ; après quoi je crains bien que nos poëtes ne se voient forcés de renoncer au ciel — à moins d’en revenir au soleil.

« Quant au fond des idées que ce style recouvre, il est d’ordinaire éminemment sensuel et matérialiste. C’est là du reste le vice profond de toute notre littérature, la lèpre envahissante qui la ronge et qui la tue. En présence d’une civilisation énervée dans le matérialisme, la littérature qui représente le spiritualisme, aurait dû lutter contre lui avec énergie ; elle a passé à l’ennemi, et dédaigne l’approbation des intelligences d’élite pour plaire au grand nombre et courir à la fortune. La spéculation, qui s’empare de tout sur notre globe, a mis la main sur elle et l’entraîne à sa perte. C’est à la spéculation qu’on doit ces longues pièces, dont les auteurs semblent avoir oublié que, surtout au théâtre, — tout est bien qui finit tôt ; — c’est elle qui, s’adressant aux moins nobles instincts de la foule, produit tant de poésies voluptueuses, tant de romans lascifs et de mémoires scabreux, pimentés