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XXII


Firmin avait marché toute la nuit. Le lendemain, il alla frapper à la porte hospitalière d’une habitation ; après y avoir pris un repos nécessaire il regagna la Caravelle.

Sa dernière entrevue avec Madeleine l’avait perdu. Cet amour, en quelque sorte platonique et poétisé jusque-là, avait changé de nature. De son cœur, où il était resté exalté et pur, il avait passé dans ses sens. Firmin ne raisonnait plus. Madeleine mariée, possédée par un rustre, c’était là une idée à laquelle il ne pouvait pas s’accoutumer. Il se savait aimé ; il avait tenu dans ses bras cette jeune fille, ses lèvres s’étaient enflammées au contact d’un baiser volé sur ses chastes épaules ; il avait acquis, croyait-il, des droits à ne point sacrifier son amour.

Dans les premiers accès de délire et de fièvre qui suivirent son retour à la Caravelle, Firmin tourna dans ce cercle et dans ce dilemme. L’orgueil et les préjugés du créole avaient disparu. Puis il revint à des sentiments plus calmes. Il se représentait les larmes de Madeleine, sa honte, sa confusion, ses remords peut-être, après l’aveu échappé de ses lèvres, et le serment qu’elle avait fait de combattre cet amour pour l’oublier. Il en résultait, entre la conscience et les ardeurs de Firmin, des luttes terribles où la violence de la passion et les efforts pour la dominer produisaient des chocs à briser le cœur.

Firmin passa quatre jours de la sorte, dévoré par la fièvre. C’est au milieu de ces dispositions que le surprit un événement que nous allons raconter.