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mie… Il ajusta tant bien que mal sa toilette, et ne tarda pas à rejoindre l’économe qui venait d’avaler un plein verre de tafia. Firmin, à vrai dire, était moins poussé par le désir de rencontrer son hôte, que par l’espérance de voir bientôt Madeleine, matinale sans aucun doute comme on l’est à la campagne dans tous les pays du monde, venir animer et réveiller la maison de ce sommeil qui semble peser sur les objets matériels aussi bien que sur les personnes.

— C’est de bonne heure quitter un lit qui ne devait pas être trop mauvais, s’écria Jérémie en essuyant ses lèvres avec la manche de sa veste de toile ; et comment s’est passée la nuit, Monsieur ?…

— Comme se passent, répondit Firmin, toutes les nuits qui suivent un voyage tel que celui d’hier, un souper incomplet et des émotions à coup sûr inespérées. Mais, reprit-il, pouvez-vous me donner des nouvelles de mademoiselle Madeleine ?

— Certainement. Je l’ai vue ce matin.

— Ah ! elle est éveillée ?

— Oui, mais elle ne descendra[1] pas encore, quoiqu’elle soit tout à fait bien, répliqua vivement le mulâtre.

— Et pourquoi donc ?

— C’est ce que je vais avoir l’honneur de vous expliquer, Monsieur, si vous voulez bien vous retirer avec moi pendant dix minutes sous ce manguier…

— Volontiers.

Jérémie tenant son chapeau de paille à la main, et debout, à dix pas du banc sur lequel Firmin s’était assis, hésita un instant, comme embarrassé sur le début de son

  1. Aux colonies on se sert de cette expression dans le sens de venir, d’arriver, de s’arrêter chez quelqu’un. On descend ainsi, même d’un rez-de-chaussée.