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VIII


Madeleine avait mis sur le compte du seul hasard l’accident dont elle avait failli devenir la victime. C’était son droit et son rôle de parler ainsi ; mais elle avait un peu menti : elle avait oublié de dire que, rentrée à la cuisine, et tout émue des paroles que Firmin venait de lui adresser, elle s’était assise, rêveuse, la tête appuyée sur son coude devant la broche, et n’avait pas pris garde à un tison qui, en roulant, avait communiqué le feu à ses jupes.

Le désordre intérieur causé par cet accident une fois calmé, Madeleine et Jérémie se retirèrent, Firmin resta seul dans la pièce où il avait si incomplétement soupé. Il s’accouda contre le rebord de la croisée, et laissa son cœur courir, bride abattue, à travers le champ des rêves dorés et des émotions mélancoliques.

Ce n’était pas impunément que Firmin avait tenu enlacée dans ses bras cette belle jeune fille dont les joues avaient effleuré les siennes, qu’il avait vu cette tête pâle et brisée par la peur se renverser sur sa poitrine frémissante ! Puis il se sentait fier d’avoir arraché ce corps charmant aux morsures immondes d’un incendie, d’avoir conservé à Madeleine tout autant que la vie peut-être, c’est-à-dire la beauté, la pureté de ses grâces. Tous ces souvenirs, toutes ces impressions se coloraient encore devant le cœur du créole de l’affectueuse sympathie que lui avait témoigné la jeune fille, et du regard si plein de reconnaissance qu’elle lui avait adressé.

Est-il besoin de dire que Firmin était amoureux ? Mais