Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

toutes les caresses de son cœur et de ses lèvres. Puis, se levant tout à coup, il alla droit à Firmin qui s’était retiré dans un coin de la cuisine :

— Moi aussi, Monsieur, je dois vous remercier, et du fond de l’âme. Ah ! si j’osais…

— Quoi ? lui demanda Firmin, vous me tendriez la main, n’est-ce pas ?

— Oui, bien qu’elle ne soit ni aussi douce ni aussi fine que celle de cette enfant-là.

— Eh bien ! soit, mon brave Jérémie, voici la mienne.

— Mais pourquoi ne me donnez-vous pas les deux mains ? fit l’économe en voyant que Firmin en tenait une obstinément cachée sous ses habits. Vous êtes blessé de celle-là ?

— Blessé ! s’écria Madeleine en sautant vivement à bas du lit, blessé !…

— Ce n’est rien, répondit Firmin, une caresse de cette flamme à laquelle je suis trop heureux de vous avoir arrachée, Madeleine ; ne parlons plus de cela… mais vous, n’avez-vous pas quelque atteinte ?…

Madeleine, heureusement préservée, n’avait eu que les jambes et les bras un peu endoloris ; mais le feu n’avait pas mordu assez profondément dans la chair pour occasionner ni plaie, ni blessure sérieuse.

Pendant que Firmin couvrait de bandelettes humectées d’eau froide sa main et l’enveloppait soigneusement, Madeleine, debout devant lui, attachait sur ce jeune et beau créole qu’elle avait à peine osé regarder jusqu’alors, un œil humide de larmes à travers lesquelles perçait un sentiment de franche admiration et de pieuse reconnaissance.

Elle sentit tout à coup le sang lui monter du cœur au visage, lorsque le regard de Firmin se croisa avec le sien : elle éprouva une hésitation gauche et une timidité qu’elle n’avait point encore montrées en sa présence, alors même qu’il lui tendait les piéges de ses fades compliments.