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tion de la cuisine, et virent Madeleine luttant contre le feu qui avait pris à sa robe. Déjà la flamme avait promené ses dents aiguës sur les beaux bras de la jeune fille, et, au milieu d’un nuage de fumée, menaçait de mordre son visage qu’elle cachait avec épouvante-sous le bouclier de ses deux mains.

— Au secours ! au secours ! cria-t-elle, en apercevant son père et Firmin.

Jérémie, effrayé du spectacle qu’il avait sous les yeux, perdit la tête tout d’abord, ne put que répéter, comme un écho stupide, le cri que poussait Madeleine, et tomba anéanti sur une chaise renversée. Le jeune créole, lui, avait conservé son sang-froid. Il arracha d’un lit dressé dans la cuisine, — sans doute celui où couchait la vieille ménagère, — une couverture dont il enveloppa Madeleine, et, saisissant la jeune fille dans ses bras, il l’étreignit de manière à étouffer les flammes. Pendant qu’il la tenait ainsi à moitié évanouie de peur, il cria à Jérémie :

— Jetez, jetez de l’eau sur nous !

Après avoir ainsi tenu Madeleine durant quatre ou cinq minutes entre ses bras, son cœur contre son cœur, son visage effleurant les joues pâles et froides de la jeune fille, Firmin la fit asseoir sur le lit, lui frotta les tempes d’eau fraîche, la rappela à la vie. En rouvrant les yeux, Madeleine se prit à sangloter, et tendit la main à Firmin :

— Merci ! dit-elle, merci mille fois ! Sans vous, j’étais brûlée vive, Monsieur !…

Firmin baisa cette main que la flamme avait respectée.

— Ce n’est rien, mon enfant, lui dit-il, vous en êtes quitte pour la peur.

Quant à Jérémie, il était agenouillé devant le lit où sa fille venait de s’asseoir les jambes pendantes et légèrement meurtries par les morsures du feu. Le pauvre homme pleurait comme un enfant en prodiguant à Madeleine