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Il sortit de la maison couvert de sang. À quelques pas de l’hôtel, se trouvait la rivière ; Bill s’y jeta, en disant à quelques personnes qui cherchaient à l’en empêcher :

— Laissez-moi ! laissez-moi, j’aime mieux me noyer que tomber vivant entre les mains de mon ancien maître.

Ses adversaires, qui le suivaient de près, lui envoyèrent à deux reprises une volée de coups de carabine ; mais heureusement aucune des balles n’atteignit le hardi nageur. Les chasseurs d’esclaves, passant ensuite un pont, allèrent attendre leur proie de l’autre côté de la rivière, et, au moment où le fugitif s’apprêtait à sortir de l’eau, ils le couchèrent en joue en lui ordonnant de se rendre.

— Non ! s’écria Bill, j’aime mieux mourir !

Cette réponse, dite d’une voix énergique, fut accueillie par une nouvelle décharge, et cette fois une des balles frappa le malheureux fugitif à la tête. Il bondit au-dessus des eaux, le visage couvert de sang, et malgré sa douleur il trouva dans son désespoir des forces nouvelles pour tenter d’échapper à ses ennemis.

Cette scène avait attiré une foule considérable de spectateurs sur les bords de la rivière. La vue de ce malheureux tout ensanglanté avait échauffé les têtes et les cœurs ; quelques personnes, s’approchant des chasseurs d’esclaves, leur reprochèrent avec indignation leur conduite. Ceux-ci jugèrent prudent de se retirer à quelque distance pour se consulter sur ce qu’ils avaient à faire.

Bill, ne les voyant plus, les crut partis ; et, comme il ne se sentait pas assez de force pour rester plus longtemps dans l’eau, il s’approcha du rivage. Quand on l’eût aidé à mettre pied à terre, il était si épuisé qu’il perdit bientôt connaissance. Pendant quelques instants on le crut mort.

— Eh bien ! notre campagne est finie, s’écria un des chasseurs d’esclaves, un nègre mort ne vaut plus rien pour le Sud.