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du lieu où le jeune officier avait été frappé. Elle crut que sa raison allait lui échapper.

— L’ont-ils emporté ? murmura-t-elle, ou bien n’était-il pas mort et aura-t-il pu s’enfuir ?

Tobine, les mains, le visage, les vêtements inondés de sang, se leva comme mue par un ressort invisible. Elle prit le flambeau et recommença ses investigations. Elle s’aperçut alors que les meubles tout autour d’elle étaient couverts de taches et remarqua que les murailles portaient les empreintes de doigts qui y avaient cherché, dans un suprême effort, un appui désespéré. Elle vit ensuite une longue traînée de sang du point où elle était jusqu’à la porte ouvrant sur le jardin ; tout près de cette porte un siége sur lequel elle s’était assise en entrant.

— Il a fui, murmura-t-elle, et il s’est reposé là.

La mulâtresse bondit jusqu’au jardin, dont le sable était humide. En même temps, elle entendit au fond d’une allée à gauche le hennissement du cheval. Elle courut à cet appel intelligent, et vit André étendu à terre à la renverse, évanoui, un pied engagé dans un des étriers, et tenant entre ses doigts crispés les brides passées par dessus les oreilles du cheval. Au moment où elle arriva, la pauvre bête poussa de nouveau un formidable hennissement, et flaira de ses naseaux déjà rouges de sang le visage pâle du jeune officier.

Tobine laissa échapper un cri affreux, en même temps que le flambeau tomba de ses mains. Elle se précipita sur André, dégagea son pied de l’étrier, et agenouillée devant ce corps inerte, elle le couvrit de baisers en lui palpant le cœur pour s’assurer s’il restait encore un souffle à ce cadavre.

Cette scène se passa dans un désespoir muet ; plus une larme dans les yeux de la jeune esclave, plus un cri sur ses lèvres. Elle se contenta plusieurs fois de murmurer le