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hamac en écorce d’arbre et orné de plumes aux plus splendides couleurs.

Dans ce hamac légèrement balancé était arrondie une jeune femme rêveuse, regardant s’envoler en spirales bleues la fumée d’une cigarette dont ses lèvres lançaient la fumée au ciel. En entendant entrer Joséfa, la jeune femme sauta vivement à bas du hamac, et jeta dans un petit brasero, placé sur un meuble à côté d’elle, la cigarette à moitié consumée.

— Nourrice, est-il venu ? demanda-t-elle à Joséfa.

— Il est là, répondit celle-ci.

— Introduis-le ; et, en disant cela, Antonia chercha un refuge pour sa nonchalance et pour sa grâce créoles dans une butaca.

Joséfa appela André et se tint debout devant la porte, qu’elle referma soigneusement.

Antonia, à l’arrivée d’André, se leva rouge de pudeur et d’émotion.

— Approchez, seigneur cavalier, dit-elle ; puis elle se rassit, et ajouta en s’adressant à Joséfa :

— Reste avec nous, nourrice.

André plus respectueux et plus craintif qu’il ne s’était promis de l’être, s’avança jusque devant Antonia, dont il baisa respectueusement la main, et prit place dans la butaca que Joséfa lui présenta. Les plus hardis conquérants de cœurs eussent éprouvé, en présence de la marquise, les mêmes sentiments qui dominaient André.

Antonia avait, en effet, une beauté qui imposait, chose rare chez les Havanaises, douées plutôt de ce que nous appellerions ici le minois chiffonné, avec des airs provoquants. Son regard inspirait l’obéissance. Dans tout son aspect, il y avait quelque chose d’impérieux ; les grâces capiteuses de la femme ne se découvraient en elle qu’à la seconde épreuve.