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bois frappés l’un contre l’autre. C’est à peine si l’odeur infecte des coucarachas qui se croisaient en tous sens faisait tache au milieu des senteurs exquises répandues sous cette voûte par les arbrisseaux en fleurs.

José, après avoir poussé ses investigations aussi loin que possible, revint au fourré qu’il trouva, comme auparavant, dégarni d’occupant. Il s’y installa de son mieux, en ne perdant pas du regard une seule des issues aboutissant à la porte. Il vit bien passer plusieurs volantes, puis des cavaliers, puis des piétons ; mais piétons, cavaliers et volantes s’éloignèrent. Bientôt il ne vit plus rien.

La nuit, qui vient si vite sous ces climats bénis, qu’on passe du soleil aux ténèbres presque sans transition, apporta son cortége d’étoiles dont chacune, selon l’expression des Cubiens, brille comme une lune. Ils ajoutent, il est vrai, que leur lune resplendit comme le soleil, et que le soleil luit comme un firmament embrasé.

Depuis un moment, il ne se montrait plus ni un passant ni un promeneur, lorsqu’au carillon de neuf heures, que les deux ou trois cents horloges de la ville se renvoyèrent comme l’écho le plus irritant qu’on puisse entendre, une volante s’arrêta à l’entrée de l’allée, puis s’en retourna au galop, après qu’une femme en fut descendue. En même temps, André se montrait à la porte de Tierra. Il était à pied et couvert d’un puncho, sorte de manteau carré qui, plus l’ampleur, est exactement confectionné comme une chasuble de prêtre. André avait relevé un des coins de ce puncho, qui lui cachait le visage. Il s’avança vers le fourré où il savait devoir trouver José, puis s’arrêta à quelques pas ; sa main droite caressait la crosse damasquinée d’un pistolet. La femme qui était descendue tout à l’heure de la volante se dirigea lentement vers le point où se tenait André. Elle était complétement habillée de noir et encapuchonnée de façon à ne laisser voir aucun