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Il s’appuya contre un bloc de rocher pour recueillir un peu de ses forces qu’il venait de dépenser toutes dans cette lutte contre la mort, étudia d’un regard inquiet la plage, espérant d’y découvrir au moins quelqu’un des nègres de son équipage ; mais il ne vit que les planches broyées et hachées de la pirogue.

Il se leva, après un instant de repos, et se mit en marche vers le bourg qui se développait sur sa gauche. Du point où il était, et pour y arriver, il lui fallait traverser l’extrémité d’une magnifique savane dépendant d’une des plus riches habitations de la colonie. Les dernières herbes de cette savane entouraient un vaste étang, et formaient la limite où commençait le bourg auquel on arrivait de là par un chemin ombreux, couvert de hautes et larges branches de tamariniers.

Au haut de cette longue savane on apercevait, sur un demi-monticule, la maison de maître, dont mon aïeul paternel avait fait une résidence quasi seigneuriale. À droite de la maison, vers le milieu de la savane, s’élevait l’hôpital où les esclaves recevaient non-seulement les soins du médecin, mais étaient l’objet d’une sollicitude paternelle. En face se trouvaient les bâtiments de l’exploitation, et à cent pas de la maison, également sur la gauche, se développait toute une petite ville composée de maisonnettes propres, entourées de jardins en pleine culture, et couvertes d’ombre. C’étaient ce qu’on appelle les cases à nègres ; quatre cents esclaves environ peuplaient cette petite ville.

Notre jeune naufragé, Firmin de Lansac, allait passer au bas de la savane et entrer dans le chemin du bourg, lorsqu’il aperçut une petite négresse revenant des herbes, c’est-à-dire rapportant la provision que les esclaves au-dessous d’un certain âge étaient tenus de fournir, chaque soir, pour la nourriture des bestiaux. Les extrémités du