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l’arrivée à Santiago des émigrés de Saint-Domingue, que leur paisible solitude fut troublée par la présence de ces pionniers et de ces défricheurs de forêts. C’est alors aussi qu’ils s’éveillèrent un peu de leur apathie.

M. de Laverdant, le père d’André, en venant reconstituer sa fortune à Cuba, avait fait appel aux bras et à l’intelligence pratique d’une des familles de Caney, dont José était le fils unique. Ces Indiens entrèrent sous le toit hospitalier du vieux colon, non pas à titre d’esclaves, ni même d’engagés, mais dans des postes de confiance.

José avait vu naître André, et il avait reporté sur lui toute l’affection que sa famille avait vouée à l’ancien propriétaire de l’yngenio de Fitges. Il avait, au surplus, hérité de son père du titre et des fonctions de mayoral de l’habitation de M. de Laverdant, c’est-à-dire d’administrateur secondaire, — ce que dans les autres colonies on appelle l’économe. — En apprenant la prochaine arrivée d’André, José s’était rendu à la Havane, avec la permission de l’intendant du jeune officier, afin d’être le premier à le recevoir.

André fut fort ému de revoir ce vieux serviteur ; il lui ouvrit les bras et le pressa avec effusion contre son cœur. José fit à son jeune maître les protestations les plus ardentes de dévouement et de respect, et se mit à ses ordres, soit pour attendre le jour où il voudrait se rendre à Santiago, soit pour partir immédiatement.

— Je passerai quelque temps à la Havane, avait répondu Laverdant, et vous demeurerez avec moi, José.

José était resté en effet, et ne voulait pas plus quitter l’ombre d’André qu’un chien ne quitte les talons de son maître. Aussi n’est-ce pas sans un certain regret jaloux qu’il se vit bientôt obligé de rabattre un peu de son rôle de fidélité exagérée.

André, dès le lendemain de son arrivée, avait été en-