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M. de Laverdant avait été obligé de quitter Cuba avec sa femme et son fils. Il se rendit en France, où il séjourna quelque temps, et lorsqu’il retourna à Santiago pour reprendre possession de ses biens, que le gouvernement espagnol lui fit restituer en bonne justice, il laissa son fils André à Paris.

Si le vieux gentilhomme était reconnaissant à l’Espagne de son hospitalité, et s’il lui devait sa fortune, il n’avait pu laisser éteindre dans son cœur ce religieux amour de la patrie que les créoles de toutes les îles ont toujours professé, avec enthousiasme. Il avait donc désiré qu’André prît du service et portât l’épée, comme il l’eût fait si Saint-Domingue fût restée une île française.

André était entré dans les gardes du corps du roi, le poste que les jeunes créoles recherchaient tous avec le plus d’avidité, et il était brigadier dans une des compagnies de la maison de Charles X au moment où éclata la révolution de 1830. Il avait alors vingt-huit ans. Son premier soin, ce qu’il regarda comme son premier devoir, fut de détacher ses épaulettes de dessus son uniforme et de remettre son épée au fourreau. Il ne prit pas une telle résolution sans regret, car à l’heure du sacrifice, il avait entendu une voix lui crier :

— C’est renoncer bien jeune à de légitimes espérances !

André, une larme dans les yeux, avait répondu à cette voix de l’avenir :

— Qu’importe ! Il le faut.

Et quelques jours après, il s’embarquait au Havre pour la Havane.




À la mort de son père, André s’était trouvé à la tête d’une fortune considérable, citée dans le pays. Sa nais-