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versants des Pitons, une splendide montagne, aujourd’hui couverte d’une luxuriante végétation, et qui jadis couvait dans ses flancs le feu d’un cratère.

La distance n’avait point interrompu les rapports entre Ovide et Manette. Les nègres ont entre eux une sorte d’affiliation ; il s’établit d’un bout à l’autre d’une colonie pour ainsi dire une correspondance qu’on dirait portée par quelque fil électrique invisible. Ils possèdent un langage complet qui se traduit par les signes extérieurs les plus inoffensifs, par l’échange le moins apparent d’un brin d’herbe, par l’envoi de tel ou tel objet. Les variations de l’atmosphère même entrent dans ce mystérieux et lugubre alphabet.

Les diverses révoltes dont les colonies ont été le théâtre, les drames qui se sont accomplis dans le sein des familles ont attesté ce fait, sans jamais en donner la clé.

De loin, comme de près, les relations continuèrent dont de régner entre Manette et Ovide. Leur commune vengeance s’attisait ainsi.


IV


Trois semaines ne s’étaient pas écoulées depuis que M. de Vauclair avait fait voiles pour la France, que la santé d’Églantine devint languissante. Cette belle et fraîche créole commença de s’étioler. Ses joues resplendissantes de bonheur se couvrirent d’une pâleur qui, chaque jour, faisait de formidables progrès. Le sourire éclatant de ses lèvres avait fait place à un sourire triste et mélancolique.