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et commença contre de Vauclair un système de dénigrement très-habilement conduit.

Églantine, tout effrayée, se plaignit à son père de l’inquisitoriale pression que Manette cherchait à exercer sur elle. Il en résulta pour la cabresse une correction de quinze coups de cravache d’abord, puis son exil sur une des habitations du marquis.


II


Manette subit son châtiment avec un stoïcisme de mauvais augure pour ceux qui connaissent le caractère des nègres. Les bras croisés, la tête haute, la lèvre dédaigneusement contractée, elle ne poussa pas un cri, ne murmura pas une plainte.

Il est vrai de dire que de ces quinze coups de cravache, deux seulement avaient porté sur la chair : l’un avait atteint l’épaule, l’autre l’avant-bras. Les amples plis de la jupe de Manette avaient garanti son corps. L’intention de M. de Surgy, qui s’était lui-même chargé de cette exécution, avait été bien plutôt d’humilier la jeune cabresse en lui prouvant que sa position exceptionnelle ne la mettait pas à l’abri du châtiment ordinairement infligé à ses semblables.

Manette monta à la chambre d’Églantine qui ignorait ce qui venait de se passer. Elle s’arrêta sur le seuil de la porte, et montrant à la jeune fille l’enflure sanguinolente produite sur son bras et sur son épaule par la cravache :

— Regardez ! petite mam’zelle, dit-elle d’un ton sec.

Les esclaves ont l’habitude de graduer les appellations