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avec la race noire, le maître défendant ses jours contre l’esclave sans cesse armé et sans cesse en révolte.

On y a ajouté le fantôme des maladies pestilentielles moissonnant les Européens et peuplant les cimetières.

S’il y a un peu d’exactitude dans certaines de ces assertions, je puis dire aussi qu’il y a exagération, et qu’on a trop fait de l’exception la règle exclusive. On n’a pas assez compté avec la splendeur de ce climat, avec l’ancienne richesse des colons qui a laissé aux héritiers, appauvris aujourd’hui, de ces véritablement grands seigneurs d’autrefois, des habitudes de luxe et de vie féconde en plaisirs ne le cédant en rien à ceux des grandes capitales de l’Europe.

Ces préjugés, populaires de ce côté-ci de l’Atlantique, ont été une des causes qui ont le plus contribué à arrêter l’élan des émigrations vers les colonies de l’Amérique.

Il faut bien dire que les colons ont vu de jour en jour s’éteindre les plus beaux côtés de leur existence, que la misère les a gagnés comme une lèpre affreuse, et qu’on voit en ce moment couler en ces pays plus de larmes qu’on n’y peut compter de sourires sur les lèvres. Les causes qui ont amené ces changements dans la vie coloniale ne sont pas sans remède. En tout cas, ce que la misère même n’a pu enlever à l’existence de ces prétendus exilés, c’est son côté pittoresque et exceptionnel, bien fait pour séduire à la fois l’observateur et le poëte ; c’est son originalité et les impressions que le voyageur rapporte de ces belles îles, auxquelles la nature a été si prodigue de ses plus grandes faveurs.

Ce qui y séduit surtout, ce sont les contrastes. Ces luttes dont je parlais plus haut, entre le maître et l’esclave, ne sont pas, cependant, sans exemple, et se présentent sous des aspects tout divers. Tantôt la générosité y brille de tout son éclat, tantôt la vengeance y mêle le poison, cette arme formidable dont les esclaves ont abusé.