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des rencontres, s’aventurant, sans souci des règles et des lois de la guerre, en des routes où la masse des troupes ne pourrait pas aller sans compromettre le sort commun.

La civilisation dans le Nouveau Monde est une sorte d’aventurière toujours placée aux extrémités, de la grande ligne de l’armée humaine, faisant des coups de main, battant la campagne et maraudant au besoin. Elle est indisciplinée. Dans les conditions étranges où elle se dessine, elle ne pouvait pas manquer d’imprimer un cachet particulier au troupeau qui la conduit plus qu’elle ne le règle.

L’esclavage a été et est resté un des résultats lugubres de cette civilisation en dehors, ébauchée par des aventuriers, continuée par des soldats, par de grands seigneurs et par des spéculateurs, tous gens peu philosophes par nature ou par calcul.

Dans les rapports entre ceux qui ont infligé et ceux qui ont subi l’esclavage, il a donc existé, dès l’origine, des liens tout particuliers, des mœurs et des habitudes tout à fait exceptionnelles, à côté desquels les siècles ont passé sans paraître y avoir touché. Cet état social est venu jusqu’à nous tout d’un bloc. C’est un vieux monument que le temps et le progrès ont respecté ; — à peine y manque-t-il quelques pierres.

C’est là ce qui m’a fait dire que cette existence à part, complétement ignorée en Europe, défigurée par des romanciers doctrinaires ou systématiques, renferme des sujets d’étonnement et un intérêt exceptionnel.

L’opinion la plus généralement répandue sur nos colonies d’outre-mer, est que ce sont là de tristes pays inhabitables ; que la vie qu’on y mène est une vie complétement d’exil et de privations de toutes sortes, sans joie ni jouissances ; où la race blanche est en lutte continuelle