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vage. Ils ont été des pamphlétaires, plus ou moins intéressants ; voilà tout.

L’esclavage a imposé à la société du Nouveau Monde, notamment dans les îles où les éléments d’activité ont manqué à l’esprit, une empreinte qui ne s’effacera jamais, pas même après que l’esclavage n’existera plus nulle part.

En étudiant et en racontant quelques détails de cette société, j’ai pris le nègre pour ce qu’il est, — un homme, au bout du compte, et ressemblant au reste des hommes. Il n’est pas du tout le vase d’élection où Dieu a concentré toutes les vertus, ainsi que l’ont prétendu certains romans ; son cœur n’est pas non plus l’antre de tous les vices et de toutes les perversités de ce monde. Le nègre a reçu sa part de bon et de mauvais, de vertus et de vices. Il a, comme les autres créatures humaines, des passions dont toutes les gammes sont indiquées sur le clavier de son âme et de son intelligence. Seulement, les passions du nègre se produisent à l’extrême ; la modération lui est un sentiment impossible. C’est le fruit de sa nature et de son origine première, — c’est-à-dire l’état de barbarie, — comme c’est aussi la faute du climat sous lequel germent et se développent ces passions.

Comment et pourquoi s’en étonner, lorsque la civilisation elle-même a, sous les latitudes de ces contrées exceptionnelles, un caractère exceptionnel ?

À côté de ses raffinements les plus exquis, il faut lui faire sa part de l’inattendu et des surprises ; c’est de la civilisation en ébullition. La race blanche, qui la représente dans toute sa supériorité, n’échappe pas plus que le nègre à ces conditions. Les hommes du Nouveau Monde, quelle que soit la couleur de leur peau, semblent se séparer de la grande famille humaine par bien des points. Ils sont comme les avant-postes et les tirailleurs d’une armée, s’éparpillant sur les ailes, un peu au caprice et au hasard