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même qui, à son lit de mort, se dénonça comme coupable de cet odieux attentat dont elle expliqua la cause et révéla les moyens employés par elle.

Je ne dois pas passer sous silence un trait caractéristique de cet épisode. La plus jeune sœur de la victime, une enfant de trois ou quatre ans alors, se trouva, par un hasard que l’empoisonneuse elle-même déplora, atteinte par sa vengeance. Les symptômes de la maladie qui ravagea tout à coup cette pauvre enfant donnèrent l’éveil, sinon aux médecins, sinon à la famille, du moins aux domestiques de la maison, qui organisèrent tout aussitôt une sorte de rempart d’affection, de dévouement, de surveillance, autour des deux victimes de cet attentat.

Pour la plus jeune des deux, il était temps encore… pour l’autre, hélas ! ce furent peines perdues.


III


Les nègres ont la divination de ces crimes. Ceux de M. de Lorgerins n’avaient pas douté de la cause, inconnue à tous, du mal dont ils voyaient les rapides progrès ; mais, selon l’instinctive alliance, la muette convention qui existe entre tous les esclaves, ceux-ci ne dénoncèrent pas le coupable, qu’ils connaissaient peut-être bien à ne pas se tromper. Ils ne révélèrent même pas le nom de la maladie ; ils se contentèrent, comme cela s’est manifesté dans toutes les occasions analogues, de déployer une active surveillance pour arrêter le mal.

Ce dévouement, quelquefois ignoré, des nègres autour d’un maître que la conspiration du poison cherche à atteindre, est fréquent dans les pays à esclaves. Pour peu