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conde chaudière que le propriétaire commence à espérer ou à redouter les résultats de sa récolte ; mais c’est au bac que se dit le dernier mot de ce mystère.

Ces trois ou quatre chaudières rangées comme je l’ai décrit, maçonnées dans une sorte de fourneau, se nomment une batterie. Sur les grandes et riches habitations, on compte jusqu’à deux ou trois batteries.

Rien de plus pittoresque que le spectacle intérieur de la partie des bâtiments d’exploitation où se fait la cuisson, pendant la nuit surtout. Éclairés par des torches accrochées autour de la muraille, ou par des quinquets à réflecteurs, les torses nus des nègres, ruisselant de sueur et confondus, pour ainsi dire, dans l’épaisse et odorante fumée des chaudières, se dessinent vivement au-dessus des batteries. De toutes parts, les chants éclatent pendant le jour et bourdonnent à peine, une fois la nuit venue.

Pour en finir avec cette opération de la fabrication du sucre, je dirai que la matière cristallisée dans les bacs est transvasée dans des barriques percées de cinq à six trous à leur partie inférieure et placées sur de larges caillebotis, dans un bâtiment nommé purgerie. Là, le sirop qui reste encore dans le sucre s’égoutte et constitue ce qu’on appelle la melasse.


IV


J’avais donc bien choisi en prenant un de ces moments-là pour conduire mon recommandé sur l’habitation que je savais être une des plus propres à lui donner un haut goût de cette sorte de vendanges coloniales.

Mais en arrivant sur la propriété, terme de notre