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Madeleine se détacha des bras de son père, recula de quelques pas, regarda fixement le vieux mulâtre, et, tombant à genoux, la face contre terre :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! dit-elle.

Dans cette simple exclamation, toute l’émotion de son âme s’était trahie.

— Madeleine, fit Jérémie en la relevant, écoute-moi…

— C’est de Dieu seul que j’attends un conseil, répondit-elle, en redressant son pauvre corps brisé ; mon père, souffrez que je me retire.

Quelques minutes après, Firmin entra dans la case. Il alla droit à Jérémie qui pleurait dans un coin, la tête cachée dans ses deux mains.

— Où est Madeleine ? demanda le jeune créole d’un ton résolu et vif.

— Dans sa chambre où elle prie Dieu, je crois, répondit le mulâtre.

— Je veux la voir et lui parler.

— À quoi servirait, monsieur le comte, cette entrevue et cette conversation ?

— Je le veux, vous dis-je.

Jérémie se dirigea vers la chambre de Madeleine, attenante à la galerie, puis il en ressortit presque aussitôt en disant :

— Madeleine n’est plus là.

Firmin s’avança vers la chambre, ouvrit la porte, regarda dans l’intérieur pour s’assurer de l’exactitude de la déclaration du mulâtre, et revint dans la galerie, où il se promena à grands pas.

— C’est décidé, disait-il en arpentant l’espace, Madeleine sera ma femme, sous la condition que Jérémie confirmera la déclaration publique de Corydon. J’emmènerai Madeleine avec moi en France ; j’irai cacher mon bonheur dans un autre monde que celui-ci. Et d’ailleurs,