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compagna, Jérémie comprit que c’était, de la part du jeune créole, une énergique protestation. Il se sentit le courage alors de le regarder en face, puis, d’une voix bien humble et tout émue :

— Alors, Monsieur, que prétendez-vous donc ?

— Jérémie, vous souvenez-vous qu’il y a dix-sept ans, un nègre apporta dans votre maison au Carbet une jeune fille blanche ?…

— Mademoiselle de Jansseigne !…

— Qui mit au monde, sous votre toit, une enfant que vous avez adoptée ?

— Qui vous a dit cela, Monsieur ? s’écria Jérémie.

— Cette enfant, reprit Firmin, c’est Madeleine… Madeleine qui n’est pas votre fille, qui n’est point une mulâtresse, par conséquent ; Madeleine que j’aime, et que j’ai choisie pour être ma femme.

— Grand Dieu ! c’est impossible !

Ce cri s’était échappé spontanément de la poitrine du vieux mulâtre. Sommé de s’expliquer, la parole lui manquait. Il se repentit un moment d’avoir été si prompt dans cet élan que lui avait inspiré sa conscience. Maintenant, il n’y avait plus à reculer.

— Impossible ! avez-vous dit, et pourquoi ? Voyons, expliquez-vous ; parlez, mais parlez donc ! lui commanda Firmin.

— Monsieur le comte, répondit le mulâtre, permettez-moi de garder le silence sur les causes qui me font vous dire que Madeleine ne peut pas être votre femme. La même prière que je vous avais adressée la première fois que vous vîntes ici, je vous la renouvelle, Monsieur. Laissez Madeleine pure et respectée ; éloignez-vous d’ici, ne la revoyez jamais.

— Jérémie, fit le comte de Lansac, en saisissant fortement les deux mains de l’économe, il y a dans tout ceci