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Lausanne, 26 juillet 1928.
(An i de la ixme Olympiade.)
À tous les athlètes et participants aux Jeux Olympiques
assemblés à Amsterdam pour la célébration de la ixme Olympiade

C’est avec un regret profond que je dois renoncer, étant malade, à me trouver au milieu de vous. Lorsque seront célébrés, dans quatre ans, à Los Angelès, les Jeux de la xme Olympiade, je ne serai sans doute pas à même de m’y rendre. Je vous fais donc ici mes adieux.

Je vous demande de conserver et d’entretenir parmi vous la flamme de l’olympisme rénové et de maintenir les principes et les institutions qui lui sont nécessaires : d’abord l’égalité des grandes catégories de sports individuels : sports athlétiques et gymniques, sports de combat, sports nautiques, sports équestres…

— ensuite les concours d’art qui associent à la belle activité musculaire les œuvres de la pensée inspirées par l’idée sportive,

— le serment des athlètes qui, fondé sur le sentiment de l’honneur, renferme le germe de la seule solution efficace du problème de l’amateurisme,

— l’usage du drapeau olympique qui assemble les couleurs de toutes les nations et symbolise les cinq parties du monde unies par le sport,

— le cérémonial et les formules de l’ouverture et de la clôture des Jeux avec le salut final a l’Hellénisme dont ils sont issus,

— enfin l’autorité du Comité International dont le recrutement indépendant garantit le maintien des traditions sans que cela doive impliquer d’immixtion gênante dans les questions techniques.

Je crois que, de plus en plus, les grands tournois organisés en marge des Jeux doivent avoir leur pleine autonomie et ne pas être confondus avec les Jeux eux-mêmes dont le but premier est la glorification de l’athlète individuel.

J’espère que, de plus en plus, la succession régulière des Olympiades aidera à rythmer la vie sportive, à la contenir, à la préserver contre ses propres excès. Il est très désirable, pour cela, que disparaissent les préjugés qui continuent de séparer le gymnaste de l’athlète. Ce sont deux frères qui s’ignorent, trop souvent par la faute de leurs dirigeants.

Personnellement, je voudrais voir le Pentathlon moderne ramené aux directives que j’avais posées en le créant. Quant à la participation des femmes aux Jeux, j’y demeure hostile. C’est contre mon gré qu’elles ont été admises à un nombre grandissant d’épreuves.

De même que l’Olympisme a traversé sans atteinte la guerre mondiale, il survivra aux révolutions sociales. Il n’a en tout cas rien à redouter des tendances corporatives actuelles. J’ai vu avec joie les organisations ouvrières s’éprendre de l’idéal olympique ; sans doute les étudiants voudront à leur tour lui faire une part mieux définie dans leurs préoccupations universitaires. L’important est qu’à tous les degrés, de l’adolescent à l’homme mûr, on travaille à répandre l’esprit sportif fait de loyauté spontanée et de désintéressement chevaleresque.

Je remercie encore ceux qui m’ont suivi et successivement aidé dans la tâche poursuivie depuis quarante ans à travers tant d’embûches et d’hostilités.

Pierre de COUBERTIN