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de l’art. Je le voudrais, Il n’est point de genèse vraie sans les crieurs de carrefour et les détrousseurs d’impasses qui répandent jusqu’aux extrémités du corps social, avec le drame et l’inquiétude, l’esprit toujours en devenir où le courage et la fois alimentent. Sur toute ébauche puissante il y a des éclaboussures. Et voici l’ébauche puissante du monument qu’on bâtira. Je ne puis pas ne pas aimer cette jeune espérance qui couvre de sa rumeur tant d’élans ingénus ou calculés, tant de violences lyriques ou bestiales, tant d’énergies hagardes ou disciplinées. Je ne puis pas ne pas aimer cette atmosphère capiteuse où des flammes brusques éclatent, où des formes usées s’affaissent sous le fard, où des formes embryonnaires palpitent entre les flancs rugueux d’un berceau roulé par l’orage. On ne reverra plus jamais la peinture ni la sculpture s’organiser selon les apparences sous lesquelles elles ont fait l’éducation toujours inachevée de notre esprit. Et notre esprit le comprendra, si cette éducation est bonne. Il s’effectue un brassage profond des races, des idées, des images. Les peuples ont faim. Les peuples s’ennuient. Le meurtre, qu’on pensait repu, accuse un appétit atroce. L’immense Asie mystique s’étire en ouvrant les yeux. L’Occident, dont la volonté somnole, se déchire longuement pour revivifier son orgueil. Des multitudes tous les jours accrues passent toute la vie sous la terre ou dans l’enfer des forges et du métal en fusion. Le halètement, le tournement, le glissement des machines scandent des rythmes mécaniques à qui la sensibilité craintive n’a pas encore eu la hardiesse de subordonner l’esprit. Des architectures mobiles font naître, vivre, agir, danser et mourir sous nos yeux la durée. La sainte cruauté des dieux nous interdit le sommeil. Aux abords d’un ordre inconnu, une décadence profonde des formes du précédent ordre semble encombrer tous les chemins. Mais de la fermentation des décadences germe l’organisme attendu.