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celle qui d’elle-meſme tend au bien ſpirituel de noſtre ame ou de celle du prochain ; ou au bien du corps, ou meſme a quelque intereſt temporel ; ou qui s’y rapporte par l’intention de celuy qui la profere, quoy qu’il parle d’affaires éloignées de ſon eſtat, comme un Religieux, de guerre, ou de trafic. Au reſte la parole dreſſée a une bonne fin, eſt meritoire : mais ſi elle eſt proferée inutilement, ou a mauvaiſe intention, c’eſt un peché.

Il faut auſſi compter entre les péchez de la langue, le menſonge, le faux témoignage, la détraction : car il ne faut point detracter, ny murmurer d’autruy. Et en révelant le peché d’un autre, qui ſoit mortel, & qui ne ſoit point public, on péche auſſi mortellement, ſi on le fait a mauvais deſſein, ou avec un préjudice notable de la renommée du prochain. On ne pécheroit que veniellement, ſi en parlant ordinairement on ne faiſoit autre choſe, que reveler un péché veniel.

Ajoûtez a cecy, que tout autant de fois que nous découvrons le vice ou le defaut d’autruy, nous découvrons tout enſemble le noſtre. Mais ſi noſtre intention eſt bonne, nous pourrons parler de manquemens du prochain en deux manieres. Premierement, ſi le peché eſt public, comme eſt celuy des femmes abandonnées, ou des perſonnes condamnées en Jugement ; ou s’il est pernicieux aux autres, comme ſeroit une erreur publique, laquelle corromproit ceux qui l’entendroient en converſation. Secondement, lors qu’on déclare le peché ſecret de quelqu’un, a un autre, qui pourra ayder a le corriger, pourvû qu’on en ayt quelque raiſon, ou conjecture probable.